ZOOM sur les congés payés en cas de maladie du salarié
I. L'état du droit français
Selon les dispositions de l'article L.3141-3 du Code du travail, le salarié a droit à un congé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur et la durée totale du congé exigible ne peut excéder 30 jours ouvrables.
Partant, en cas d'absence au travail, le salarié n'acquiert pas de congés payés.
Toutefois, il existe de nombreuses dérogations à ce principe.
Ainsi, l'article L.3141-5 du Code du travail liste les absences assimilées à du temps de travail effectif permettant donc l'acquisition de congés payés :
"Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
1° Les périodes de congé payé ;
2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant et d'adoption ;
3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;
4° Les jours de repos accordés au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 ;
5° Les périodes, dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an, pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle ;
6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque."
Il résulte de l'alinéa 5 de ce texte que les salariés dont le contrat de travail est suspendu pour maladie non professionnelle n'acquièrent pas de congés payés pendant leur absence.
A noter que certaines conventions collectives ou certains accords d'entreprise peuvent être plus favorables que la loi et prévoir l'acquisition de congés payés lorsque le salarié est absent pour maladie non professionnelle. Il conviendra donc de toujours veiller à vérifier les dispositions conventionnelles applicables au sein de votre entreprise.
II. L'état du droit européen
L'article 7 de la directive européenne du 04 novembre 2003 - 2003/88/CE, prévoit que, :
"Article 7- Congé annuel
1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales."
Il résulte de cette directive européenne que tout salarié a droit à au moins 4 semaines de congés payés, sans distinction selon les salariés en situation de maladie et ceux qui ont effectivement travaillé.
Partant, l'alinéa 5 de l'article L.3141-5 du Code du travail est clairement contraire à l'article 7-1 de la directive européenne de 2003.
III. L'articulation entre le droit européen et le droit français
Une directive européenne n'a malheureusement pas d'effet direct horizontal. Cela signifie que les salariés ne peuvent pas de prévaloir de l'article 7-1 de la directive européenne de 2003 auprès de leur employeur.
La seule solution pour les salariés est d'engager la responsabilité de l'Etat français pour défaut de transposition en droit français.
IV- La condamnation de l'Etat français en réparation du préjudice
En 2016, un salarié a alors saisi les juridictions administratives pour demander la condamnation de l 'état français qui en s'abstenant de transposer, en droit français, cette directive européenne lui a fait perdre ses 4 semaines de congés payés annuels du fait de son absence pour maladie non professionnelle, pourtant garantis par la directive européenne.
Le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a donné raison au salarié et a condamné la France à payer au profit du salarié des dommages et intérêts en réparation du préjudice direct subi, à savoir la perte de de ses congés payés.
Plus récemment, en 2023, 3 organisations syndicales ont saisi les juridictions administratives pour demander la condamnation de l'Etat français.
Le 17 juillet 2023, la Cour administrative d'appel de Versailles a également donné raison aux 3 organisations syndicales et a condamné l'état français pour ne pas avoir transposé la directive européenne de 2003 (CCA VERSAILLES, 17 juillet 2023, n°22VE00442). L'état français a ainsi été condamné à payer 10.000 euros à chacun des 3 organisations syndicales.
On espère que cette nouvelle décision incitera enfin le gouvernement français à modifier les dispositions de l'article L.3141-5, alinéa 5 du Code du travail.
Affaire à suivre donc !